Séquence sur la raison et ses limites
Deux obstacles se dressent donc devant la raison et sont surmontés par la raison elle-même, par l’intermédiaire de la connaissance qu’elle a de Dieu.
Le caractère inconcevable de l’union de l’âme et du corps s’éclaire par la toute-puissance divine. Notre entendement en s’élevant à Dieu, conçoit comme possible en soi ce qui parait impossible à notre entendement fini.
Le deuxième obstacle se rapporte à la vérité propre au sentiment. Cet obstacle s’efface devant l’idée de la véracité divine par laquelle notre raison se voit contraint d’accorder la vérité à ce qui a nécessairement Dieu pour auteur.
Il n’y a donc pas de démission de la raison. Si la raison ne me révélait le Dieu vérace il y aurait conflit au niveau de la connaissance. La raison me révèle que Dieu est vérace et tout puissant, il ne peut nous tromper en mettant ce sentiment en nous. Par conséquent, la raison reste la dernière instance dans le cas même ou le sentiment se décide, car c’est la raison seule qu’il peut conférer au sentiment cette reconnaissance que lui donne son autonomie. Il fait donc une place à l’irrationalité du sentiment, il la fonde comme irréductible mais ne la fait pas disparaître. Le sentiment s’inscrit dans le cadre du rationalisme le plus rigoureux. L’incompréhensibilité de Dieu est contenue dans une étroite mesure car elle est déterminée par la raison elle-même. Ce n’est pas de l’inconnaissable car Dieu est la chose du monde la mieux connue. Elle est la chose du monde la plus clairement connue. C’est par l’intellection de l’idée de Dieu que nous connaissons qui il est. Si l’incompréhensibilité de Dieu borne notre raison, elle n’en confère pas moins un principe infaillible des jugements à l’égard des possibilités créatrices de l’auteur de notre origine. L’infinie puissance qui élève Dieu au-dessus du compréhensible ne fait pas de Dieu le refuge de l’irrationnel, il reste l’objet d’une connaissance rationnelle.
La raison cartésienne est donc autonome sans être toute puissance, elle fonde ses limites, mais ce n’est pas un précurseur du criticisme kantien. La liberté infinie est égale en l’homme et en Dieu. Dieu, l’homme et le monde ne font pas système, pas plus que l’homme ne fait système avec lui-même. Il est impropre de parler de système cartésien en fait.
Le refus de la méthode chez Spinoza
Par quelle méthode peut-on établir la méthode?
Spinoza refuse toutes les spéculations sur la méthode pensant sombrer dans la régression à l’infini, car comment et sur quoi ou plutôt sur quelle méthode pourrions-nous fonder la méthode? Il est insensé de se battre pour rechercher la méthode car il n’y a pas de spéculations méthodologiques avant la connaissance vraie car tout homme sait ce qu’est le vrai. Nous avons l’idée vraie. Il est impossible de définir la méthode indépendamment de la recherche de la vérité car la méthode est une connaissance réflexive ou l’idée de l’idée. L’idée d’une méthode dépend de l’aptitude à saisir la réalité. Pour Descartes, celui qui recherche la vérité doit commencer par fabriquer un outil pour lui permettre de contenir la vérité par opposition à Spinoza, ce n’est pas le lieu de forger un organon car nous découvrons la propre force innée de notre entendement. Le forgeron doit commencer par fabriquer ses outils pour Descartes.
Pour Spinoza, il faut purifier ce qui est déjà donnée. On doit rendre son dynamisme à la force de notre entendement. Nous devons donc découvrir le dynamisme inné de notre entendement dans un principe irréductible au cartésianisme. La règle générale des idées claires et distinctes n’a plus à être fondée en Dieu pour Spinoza. L’intuition originaire du spinozisme est l’unité foncière de l’être qui va être expliquée selon Spinoza. Nous ne penserions pas si ce n’était en quelque façon l’être absolu, c’est-à-dire, Dieu. Il y a adéquation entre l’ordre de la connaissance et l’ordre du déploiement nécessaire de l’être. L’ordre de la connexion des idées est le même que l’ordre ou la connexion des choses ou des causes. Il appuie le dynamisme de l’entendement sur la compréhension de l’ordre de la nature, celui-ci étant saisi dans l’enchaînement qui le constitue comme totalité. Il y a rejet du doute comme étape chez Spinoza. La condition passive de l’idée est perçue comme image d’une chose. L’idée est intrinsèquement affirmative. Il y a dissociation arbitraire entre l’esprit et l’idée conçue comme image de la chose. Ainsi s’efface l’ordre véritable qui découle de l’être et l’intellection. L’idée qui redouble l’idée de l’idée, n’introduit pas de dédoublement entre le sujet et l’objet. L’idée de l’idée prend conscience de son adéquation avec la nécessité rationnelle. La vérité est elle-même son index, sa propre norme.
Ainsi, l’idée vraie est révélée dans l’évidence intellectuelle. La méthode géométrique renvoie à l’instrument de démonstration le plus parfait pour notre connaissance philosophique. Les démonstrations sont les yeux de l’âme. Si nous aspirons à une connaissance réelle et que nous apportons le salut, il est nécessaire de parvenir à une idée particulière d’où nous pourrons déduire la totalité des connaissances, c’est l’origine et la source de toutes nos idées. La méthode déductive comme celle de la géométrie prend donc son point de départ dans l’idée de l’être infini. La méthode de recherche fait place au système. Il a systématisé, il a développé l’intuition originaire du tout comme unité immanente à ses parties.
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